Comme chaque premier vendredi du mois, Melchior s'attaque à une chanson plus complexe dans le cadre de votre chronique hebdomadaire, Li bokèt do vinr'di. Découvrez une pastourelle qui présente une particularité rare : elle alterne des couplets en français et en wallon, mettant en scène deux personnages qui ne se comprennent pas.
Une fois n'est pas coutume, Li bokèt de ce vendredi 7 octobre n'est pas uniquement en wallon... Le titre est même en français : "En revenant de la guerre". C'est une pastourelle franco-wallonne assez répandue qui met en scène de manière burlesque et ironique la difficulté qu'avaient les wallons et les francophones à se comprendre autrefois.
La pastourelle est un genre poétique médiéval chanté mettant en scène la tentative de séduction d'une jeune bergère par un chevalier, qui peut aboutir ou non. Cette chanson s'inscrit donc tout à fait dans cette tradition.
Sur notre version chantée, dont la source, en wallon liégeois, peut-être consultée ici, on n'entend que les couplets 1, 3 et 4. Nous reconstituons la chanson complète à partir de celle du carnet pédagogique "À tot spiyî"- Découvrir les langues régionales de Wallonie en chantant (disponible gratuitement en ligne ici). Celle-ci est en wallon namurois.
Traduction
[français]
En revenant de la guerre,
En arrivant au pays,
Je fais rencontre d’une belle
Sur le gazon bien assise.
Je me suis approché d’elle
Lui disant bonjour mon cœur.
Je suis revenu pour te plaire
Prends-moi pour ton favori. (bis)
[wallon]
Dites-donc, Monsieur, que vous êtes drôle
De venir m’aborder ici.
Je ne comprends pas vos paroles,
Je ne sais pas de quoi vous me parlez.
Vous avez un si laid langage
Que je n’y comprends rien du tout.
Allez au fond de votre village,
Laissez-moi ici sur le gazon.
[français]
Toi qui refuses d’entendre,
Ô mon aimable beauté !
Tu refuses de comprendre
Ce que dit ton bien-aimé.
Si ma langue est étrangère,
Je suis garçon du Pays,
Je suis revenu pour te plaire,
Prends-moi pour ton favori. (bis)
[wallon]
Ah Monsieur, je commence à vous comprendre,
Vous voudriez être mon galant.
Le mien est parti dans les Indes,
Il ne reviendra que dans un an.
Il m’a écrit la semaine passée
Qu’il gagnait beaucoup.
Allez au fond de votre village,
Laissez-moi ici sur le gazon.
[français]
Si le ciel te favorise,
Te renvoie ton bien-aimé,
Ne seras-tu pas surprise
De le revoir à tes pieds ?
Te souviens-tu, belle Française,
De qui tu as favorisé
De ton aimable promesse,
Là-bas au pied du rocher ?
[wallon]
En te regardant de plus près,
Il me semble te reconnaître.
Tu es le fils de notre bourgmestre
Dont j’ai encore le billet dans ma poche.
Viens par là, mon chéri,
Viens donc que je t’embrasse.
C’est la fête dimanche prochain,
Nous pourrons nous marier.
Article de Antoine Danhier